L’histoire des Boucholeurs 

La transformation du village

Le métier de « Boucholeurs »

Dans le métier de boucholeur, les femmes ont aussi leur rôle. En plus des travaux à la maison, elles vont aussi à la marée ; en partant avec le cheval et la charrette jusqu’à l’embarcadère embarquer leurs maris, c’est-à-dire transporter les mannequins (panier en osiers contenant 50kg de moules), pelles, drague etc…Dans le bateau qui attend au large que la marée monte. En attendant que la mer remonte pour récupérer son mari avec son chargement de moules, quatre heures plus tard. Elle conduit son attelage sur le banc rocheux du cornard (à 3 km) pour ramasser les naissains de moules qui y poussent naturellement. Ces jeunes moules, à terre seront mises dans des poches ou filets de coton que les hommes le lendemain iront placer sur les pieux libres et dégarnis. Ces poches sont attachées et maintenues sur les pieux à l’aide de catins et en quelques jours elles s’accrochent aux bois. Cette manœuvre fait gagner une année d’élevage, qui sans cette pratique dure environ deux ans. La première année, vers le mois de mars c’est la naissance des moules, soient directement sur les pieux ou sur des cordes. Les naissains se développent jusqu’à la fin de l’été, a partir de septembre ils sont enroulés sur les pieux en « catinnage » ou en filières. Et c’est l’année suivante, à partir de mi-juin que débute la saison de la récolte. Avec l’expérience et la connaissance de leurs besoins, les boucholeurs se sont fait fabriquer des bateaux adaptés à leur travail. C’est un bateau à fond plat d’au moins 6 mètres de long sur 1,60 mètres de large et 0,80 mètres de hauteur et aux bordées droites sur 4 mètres pour s’appuyer le long des bouchots. Il pouvait transporter 50 pieux ou 20 mannequins de moules soit le travail de deux hommes pendant une marée. Les forets des environs fournissaient les pieux en chêne d’une longueur de 4 à 5m de long avec 10 à 15cm de diamètre. Les pieux plantés avant la fin mars se garnissaient de naissains de moules. Elles grossissent en grappes, se boursoufflent et le trop plein tombe à l’eau. Pour conserver sa production il fallait fixer de chaque coté des pieux une branche très fournie qu’on appellera catin (peut-être parce que le pieu ainsi habillé pouvait faire penser à une femme en toilette) pour que les moules s’étalent au travers des branches. Le bouchot est un ensemble de pieux plantés en ligne dirigés vers le large à un mètre les uns des autres ; chaque ligne est de cent pieux, ils dépassent de la vase d’environ deux mètres.
La navigation à la voile, ou à la pigouille dans deux à trois mètres d’eau avec la plate autour des bouchots, étaient essentiellement masculine. La « pigouille» est une longue perche de bois terminée à son extrémité par un trident en bois en forme de patte d’oie pour empêcher la perche de s’enfoncer dans la vase sous la poussée de l’homme debout dans son bateau.. Le travail des hommes en à été facilité dans les années 1930 par l’équipement de moteur aux bateaux ; gain de temps et d’énergie grâce à la motorisation des déplacements vers les bouchots.

Après guerre et modernité

La remise en état

Après cette période de quasi-inactivité, le travail ne manquait pas ! Les bouchots sont à remettre en état. Beaucoup de pieux sont cassés, pourris, il faut les remplacer. De nouvelles zones sont accordées par l’administration pour créer de nouveaux bouchots, tout prés de Fouras et de l’ile d’Aix. Pour ce faire, se sont d’énormes quantités de pieux qui arrivent à la gare ou par camion. Le stockage à l’arrière de la place est impressionnant par la quantité de bois. Concernant les huitres, le commerce reprenait tout doucement avec une forte demande de petites huitres pour l’élevage. Les cours montent. C’est une opportunité pour nos ostréiculteurs. La situation géographique du pertuis d’Antioche est idéale pour l’éclosion des huitres, donc la récolte des naissains. Tout le monde s’y met, c’est la ruée vers cette nouvelle activité, la collecte des petites huitres. Tous investissent dans de nouvelles quantités de pierres et surchargent les parcs existants. Les pierres arrivent des carrières d’Echillais par camions, qui déchargent directement leur chargement dans les parcs accessibles à marée basse.
Quand on intensifie la culture, et que les parcs et bouchots sont surchargés, on attend quoi ? Un supplément de production ! Sauf que la nourriture (le plancton) n’est pas extensible et s’avère insuffisante pour nourrir le surpeuplement de mollusque. L’eau s’appauvrit et la pousse ralentissait à deux ans entre chaque campagne de pêche.
Au début des années 60, les moules sont atteintes par la « Mytilicola » qui ralenti la production pendant plusieurs années. Cette maladie pourrait être la conséquence d’un surpeuplement en moules du Pertuis. L’année 68 marque une grande mutation dans l’ostréiculture.
L’huitre Portugaise est malade, la mortalité est telle qu’elle va très rapidement disparaitre. Une véritable catastrophe qui durera deux ans, sans production.
Des naissains sont importés du Japon. L’huitre « Gigas dite Japonaise », s’adapte bien et remplacera très vite l’huitre Portugaise. La région de Marennes, premier importateur de Gigas nous vendra les premiers naissains, avec de nouvelles méthodes d’élevage : les sacoches en plastique sur table.
Autre révolution ; L’arrivée des collecteurs en plastique va bouleverser le métier.
Cette nouvelle méthode de captage va réduire de 80% le détroquage. C’est autant de temps et de main d’œuvre de gagné. En conséquence, ces nouveautés vont engendrer l’abandon des parcs en pierres. Et pourtant, comme on aime les regarder tout ces alignements de pierres entourés de murs en moellons garnis d’huitres. Aujourd’hui, inexploitable !
Il faut se souvenir de l’activité qu’il y avait là !
Deux à trois cent personnes penchées, péchoire en main, à remplir des paniers.
En fin de marée, non moins impressionnant, le défilé de tracteurs avec les remorques remplies de mannes d’huitres traverser le village.
Tous ces bouleversements ont entrainé le départ de beaucoup de jeunes vers d’autres métiers. Ceux qui restent se sont adapté au nouveau métier en investissant dans du matériel moderne qui leur permet d’être économiquement concurrentiel. Concernant l’exploitation des moules, depuis les années 50 on ne récolte plus les naissains du Cornard.
Dans les bouchots, des zones de captage ont été créées pour récolter les petites moules sur des cordes en raphia tendues entre deux pieux. Les vieilles techniques, poches et catins utilisées depuis prés d’un siècle sont abandonnées. Le travail est simplifié et moins pénible. Le matériel est aussi plus performant, les bateaux en aluminium sont équipés de puissants moteurs, rapides ils réduisent les temps de trajet et c’est autant de temps de gagné.

L’histoire des Boucholeurs